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Quoi de neuf dans la recherche sur le vélo en France?

Recherche sur le vélo en France

Quoi de neuf dans la recherche sur le vélo en France?

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État des lieux des réflexions issues de la recherche sur le vélo en France et sur les déplacements urbains. Compte rendu de la réunion de l’IFSTTAR.

Ellesfontduvelo.com s’est introduit dans une réunion d’un groupe de recherche sur le vélo urbain, géré par l’IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux). État des lieux des dernières réflexions issues de la recherche publique française concernant les déplacements à vélo.
Au programme de cette réunion : présentations des dernières avancées de chacun. Il fut question de :

  1. Chromorientation par Joël MESSONNIER (sociologue au Cerema/DterNP)
  2. Inconfort des selles de vélo par Laura DUBUIS (biomécanicienne au LBMC – IFSTTAR/Université Lyon 1  et contributrice efdv)
  3. Coefficient de confort par Frédéric HERAN (économiste au Clersé, Université de Lille) & Corinne PRAZNOCZY (biostatisticienne à l’ONAPS, Clermont-Ferrand)
  4. Plateforme nationale des fréquentations par Étienne COUVREUR (chef de projet pour véloroutes, DRC)
  5. Super pouvoirs des vélos par Mathieu RABAUD (Ingénieur spécialiste de la mobilité au Cerema/DterNP, que vous pouvez suivre sur Twitter)
  6. Mobilité sobre en CO2 par Aurore FABRE-LANDRY (Consultante en mobilité durable à Sustainable Mobilities)
  7. Livre « Les embarras de Paris » par Julien DEMADE (historien au CNRS)

Intriguant, n’est-ce pas? Regardons plus en détail ce qu’il en est…


Remarque: Rappelons avant de commencer que la plupart des innovations présentées ici sont à l’état de réflexion, pas forcément directement applicable comme tel.

1- La chromorientation: un nouveau système pour s’orienter simplement?

Joel MESSONNIER et son équipe partent d’un constat simple: les dispositifs de jalonnement (panneaux de direction) sont très similaires, que ce soit pour les automobilistes, les piétons ou les cyclistes. Ce dispositif est-il fonctionnel pour les différents utilisateurs de la ville?
Les cyclistes et les piétons ayant beaucoup moins de contraintes que les automobilistes, pourquoi les diriger vers un trajet unique pour aller d’un point à un autre en suivant des panneaux alors qu’il y a des dizaines de possibilités? Les cyclistes urbains et les piétons empruntent les grands axes connus pour se déplacer sans risquer de se perdre, alors que des plus petites rues beaucoup plus calmes et moins risquées pourraient être utilisées. Comment faire en sorte de laisser libre choix de leur trajet aux cyclistes et piétons sans qu’ils ne s’égarent?

Une solution possible: la chromorientation

Les cartes n’étant pas toujours évidentes à interpréter, les gps pouvant être défaillants ou obsolète, il fallait penser à autre chose. C’est là que la chromorientation entre en jeu.
Prenons n’importe quelle grande agglomération (par exemple: Lille) et définissions des destinations emblématiques périphériques de cette agglomération auxquels nous leur attribuons une couleur chacun. Ainsi, lorsque l’on se trouve au sein de l’agglomération, il est possible d’avoir une « cartographie de couleur » sous forme d’un camembert ou d’une rosette donnant la direction des destinations emblématiques. Aussi, plus on s’approcherait d’une de ces destinations, plus la part de couleur du camembert serait importante. On pourrait également rajouter une flèche indiquant le centre-ville.

Exemple de la rosette de chromorientation pour la ville de Lille.

Il n’est évidemment pas possible de trouver une adresse précise avec ce système. L’utilité de ce système est lorsque l’on connaît sa destination, mais que l’on n’a pas connaissance des directions pour y aller.  C’est d’autant plus nécessaire quand les rues ne sont pas droites ce qui tend à faire perdre le sens de l’orientation. Cela permettrait également de découvrir de nouveaux trajets.
Évidemment, pour que ce dispositif soit efficace, il faudrait que l’on puisse retrouver cette information à chaque intersection. Par conséquent, il faudrait que les responsables des agglomérations soient prêts à investir dans un tel dispositif.

2- L’inconfort des selles de vélo

Ce n’est pas à vous, lectrices et lecteurs de EFDV, que l’on doit argumenter sur les bienfaits du vélo. Développant le système cardio-vasculaire, réduisant le stress, permettant de se déplacer de manière écologique et économique, cette activité de plein air est dotée de nombreuses vertus. Pourtant, pour quasiment 60% d’entre nous, la selle est source d’inconfort. Les troubles causés par les selles de vélo peuvent aller bien au-delà de la simple gêne. Irritation, formation de nodules, engourdissement, voire même impuissance temporaire, la pratique régulière du vélo peut devenir un calvaire pour certains. De plus, les utilisateurs de vélos se confient peu au sujet de leurs problèmes dans la région du périnée, par pudeur. Il est donc fondamental de comprendre quelles sont les causes de ces lésions pour résoudre le problème.

Une solution possible: le numérique à la rescousse de nos cuculs

L’idée est alors de créer un modèle numérique du bassin et des tissus mous qui l’entourent. En étudiant les déformations et les contraintes subies par ces derniers lors de l’action du pédalage, il sera possible d’obtenir un critère objectif de l’inconfort d’une selle pour une personne donnée. Bien qu’il reste du chemin à parcourir pour y parvenir, un premier modèle simplifié a été créé. Celui-ci permet de comparer les effets de plusieurs selles sur les tissus et les différences que cela implique. Des résultats plus concrets seront obtenus dans quelques mois, affaire à suivre!

Coupe sagittale du bassin (le dos est à droite et le ventre à gauche) mettant en évidence les contraintes dans les tissus mous du périnée.

3- Les coefficients d’inconfort

Les économistes utilisent tout un tas de calculs savants dans leurs études de coût/bénéfices. Dans ces calculs, ils vont chercher à pondérer certains termes par des coefficients qui dépendent de ce que pense la population d’après des enquêtes nationales.
Dans le cas du transport il existe le coefficient d’inconfort (que Frédéric HERAN et Corinne PRAZNOCZY propose de renommer « coefficient de pénibilité »). Ce coefficient traduit l’effort à réaliser et le danger à affronter lors d’un déplacement actif. Pour permettre des comparaisons, l’État fixe une « valeur tutélaire » (c’est-à-dire qui s’impose à tous dans les évaluations socio-économiques). Alors que le coefficient d’inconfort est de 1 pour les déplacements en voiture ou en transport en commun, il est de 2 pour le vélo, selon le « rapport Quinet » (Quinet, 2013, p. 148). Cela veut dire que le vélo est 2 fois plus pénible (en termes d’effort et de danger) que la voiture ou les transports en commun!
N’allez pas accuser sociologues et économistes, ce coefficient n’est que le reflet de ce que pense la population. Sans doute que le fait d’être dans une grosse cage en acier donne l’impression d’être protégé des éléments extérieurs (accidents et météo) et rend les déplacements en voiture plus « confortables » (selon l’opinion de la population) que ceux à vélo.
Cela se traduit par une pénalisation des infrastructures cyclables par rapport aux infrastructures pour les voitures ou les transports en commun lorsque les économistes font des estimations coût/bénéfices.

Une solution possible: le coefficient d’activité physique

Pour remédier à cela, Frédéric HERAN et Corinne PRAZNOCZY proposent d’introduire un nouveau coefficient: le coefficient d’activité physique. Celui-ci permettrait de tenir compte de l’intérêt, pour les usagers des modes actifs, de se déplacer tout en effectuant une activité physique leur permettant de rester en forme.
Sachant que les activités physiques ont considérablement baissées ces derniers siècles au profit de la sédentarité, il devient nécessaire de se rendre actif au risque d’être confronté à de graves troubles de la santé (augmentation du risque d’infarctus, d’accident vasculaire, diabète, hypertension…). De ce fait, le coefficient d’activité physique pourrait favoriser la pratique du transport à vélo ou de la marche à pied par rapport aux voitures et transport en commun lors des calculs des économistes.

4- Plateforme nationale des fréquentations

Ici, Étienne COUVREUR nous présente un outil stratégique pour évaluer la pratique du vélo en France. En effet, cette plateforme regroupe les données enregistrées par plus de 530 compteurs à vélo répartis sur les différentes pistes cyclables en France. Cet outil consiste à:

  • Approfondir la connaissance du réseau national et de son utilisation,
  • Accompagner les études sur les fréquentations et les études de retombées économiques,
  • Promouvoir le développement de l’usage du vélo (tourisme et transport).

Les résultats de la plateforme montrent une tendance à l’augmentation de la fréquentation vélo en 2015 par rapport à 2014. Vous pouvez télécharger le rapport complet de l’analyse des données de fréquentation vélo 2015 ou alors aller voir les chiffres de 2015 à retenir.
Vous pouvez consulter vous-même ces données, et essayer d’estimer combien il y a de lectrices et lecteurs efdv parmi tous ces cyclistes comptabilisés. En tout cas, il y a au moins Sandrine lors de son périple sur l’EuroVelo 6.

5- Les supers pouvoirs des vélos urbains

Est-il possible de remplacer certains modes de transport (en dehors de la marche) par du vélo? C’est ce à quoi propose de répondre Mathieu RABAUD dans son étude aux résultats impressionnants.
Il s’est basé sur les résultats de 40 enquêtes issues de 40 agglomérations françaises (de l’Ile de France jusqu’à des petites agglomérations comme Albi ou Beauvais en passant par Strasbourg ou Grenoble) où on demandait aux personnes interrogées le détail de TOUS leurs trajets effectués la veille. Il en résulte une part modale de seulement 2% pour le vélo.

vp = véhicule particulier (voiture) ; TC = transport collectif
Part modale actuelle:

Mathieu RABAUD a alors analysé chacun des trajets à vélo pour déterminer des « valeurs limites ». Au-delà de ces limites, il juge qu’il n’est pas raisonnable de considérer que le trajet est facilement réalisable à vélo. Il a considéré qu’il y avait environ 15% de situation exceptionnelle dont il ne fallait pas tenir compte et a obtenu les résultats suivant: un âge maximal de 62ans, des trajets d’une portée maximale de 3,4km et une distance parcourue dans l’heure de 4,2km au maximum. Il a aussi noté que les déplacements pour achats en centre commerciaux, accompagnements et tournées professionnelles étaient très peu réalisés à vélo.
En appliquant ces conditions à tous les autres trajets  (sauf la marche) il a observé que sur la base des déplacements réellement effectués par les personnes, le potentiel du vélo était de 13 % des déplacements.
La deuxième partie de l’étude tient compte du fait que certains vélos ont des « supers pouvoirs », leur permettant de s’affranchir de certaines contraintes du vélo classique. Plusieurs scénarios ont été testés:

  • Le vélo pliant: pour pouvoir prendre les transports en commun (TC),
  • Le vélo cargo: pour faire des achats ou/et transporter des enfants,
  • Le VAE: pour aller plus loin, ou pour permettre aux personnes plus âgées d’utiliser le vélo,
  • Le VAE cargo: qui permet de combiner les avantages du vélo cargo et du VAE.

Pour chacun des scénarios, il a pris les valeurs limites suivantes:

Type de vélo Age max Portée d’un trajet Distance max/heure Combiné avec TC Achats/
accompagnements/
Tournées pro
Vélo classique 62 ans 3,4km 4,2 km Non Non
Vélo pliant 62 ans 3,4km (hors TC) 4,2 km
(hors TC)
Oui Non
Vélo cargo (ou avec porte bébé) 62 ans 3,4 km) 4,5 km Non Oui
VAE 73 ans 9,8 km 11 km Non Non
VAE cargo 73 ans 9,8 km 11 km Non Oui


L’apport du vélo cargo qui permet de réaliser différents motifs de déplacements et de l’assistance électrique qui permet de pédaler en étant plus âgés ou en allant plus loin sont très significatifs. En combinant les deux (avec un VAE cargo), on atteint le potentiel incroyable de 43% des déplacements à vélo (auquel on vient ajouter 31% de déplacements à pied…).

Cette étude montre que nos déplacements actuels sont en grande partie réalisables à vélo, si on choisit le bon super vélo! Évidemment, le relief, la météo, les aménagements cyclables… sont également des critères dont il faudrait prendre en compte. Cette analyse reste simple mais puissante!

6- Vers une mobilité sobre en CO2

Aurore FABRE-LANDRY est consultante en mobilité durable et a effectué l’étude « Vers une mobilité sobre en CO2: une opportunité pour vivre mieux » pour la SNCF. En effet, suite à la COP21, SNCF souhaitait connaître les évolutions possibles de la mobilité des personnes en France à l’horizon 2050 et leurs impacts environnementaux.
A partir d’hypothèses d’évolution de l’économie, de la démographie et de la technologie, l’étude dégage trois futurs possibles, fonction des évolutions de la demande de mobilité et de l’offre de transport :

  • Le futur « ultramobilité » : « toujours plus vite, toujours plus loin »
  • Le futur « altermobilité » : « se déplacer autrement »
  • Le futur « proximobilité » : « la qualité de vie de la proximité »

Voici le résultat de la prédiction de nos modes de transport en 2050 en fonction des 3 futurs possibles:

Ultramobilité

Dans le futur ultramobilité, les gens vont se trouver de plus en plus loin de leur lieu de travail. Malgré le covoiturage et le travail à domicile, le nombre de km augmente (le camembert est plus gros) et la part de véhicule individuelle, bien que plus petite en pourcentage, est toujours conséquente. Bref, même avec des voitures électriques, on sera loin d’atteindre les objectifs fixés par la COP21.

Altermobilité

Dans le futur altermobilité, les gens sont un peu plus critiques envers la voiture. Dans ce contexte, la part des véhicules individuels est réduite et le vélo augmente avec les véhicules partagés. Cependant, le nombre de km augmente tout de même par rapport à 2015 et ce scénario ne permet pas non plus d’atteindre les objectifs fixés par la COP21.

Proximobilité

Le dernier futur, le futur proximobilité, est le seul qui permet d’atteindre les objectifs de la COP21. La tendance dans ce futur est la volonté de prendre le temps, avec des villes plus calmes et attractives. Le « local »  et la proximité sont devenus des atouts majeurs. Les modes actifs (marche, vélo…) sont devenu les moyens de transport du quotidien, alors que les gens auront recourt au train pour les trajets longue distance.

Une piste encourageante

Notez aussi que 60% de la population interrogée dans le cadre de l’étude estime que l’aménagement des villes permettra de se déplacer rapidement et en toute sécurité à vélo et sera devenu une pratique courante avant 2030. De plus, pour plus de 50% d’entre eux, le vélo est une très bonne solution pour améliorer les déplacements. Le vélo utilitaire est en train de faire son trou dans le paysage urbain, doucement mais sûrement!
Retrouvez le rapport en ligne ici et .

7- Le livre « Les embarras de Paris »

Qui est mieux placer que l’auteur d’un livre pour en parler? Voici donc un résumé de Julien DEMADE :
« Une contrainte, une aubaine, et un paradoxe caractérisent les déplacements parisiens. La contrainte, c’est l’engorgement d’un métro dont la fréquentation a augmenté de 50% en vingt ans. L’aubaine, c’est la chute de la circulation automobile – il y a vingt ans roulaient 55% de plus de voitures qu’actuellement. Le paradoxe, c’est que le principal moyen de déplacement dans Paris – Parisiens et banlieusards confondus – est la marche, qui représente 50% des déplacements, alors même que l’aménagement des rues ne lui réserve qu’une portion congrue.
Paris est-il pour autant condamné à un dysfonctionnement croissant de ses déplacements, où le métro, toujours plus engorgé, deviendrait incapable de se substituer à une circulation automobile qui ne pourrait plus, de ce fait, poursuivre sa baisse, baisse qui reste pourtant impérative pour résoudre une pollution alarmante? Non, parce qu’aux côtés des trois modes traditionnels de déplacement dans Paris est apparu le vélo, parfaitement apte (contrairement à la marche) à se substituer à la voiture et au métro pour les distances que ces derniers permettent de couvrir dans Paris. Or, si le vélo est parti de rien, sa croissance fulgurante est en train d’en faire un acteur majeur des transports parisiens – sous moins de dix ans il assurera plus de déplacements que la voiture. Ainsi pourra-t-on éviter au métro la thrombose, aux Parisiens l’asphyxie, et pacifier des rues où l’automobile, au plus grand bénéfice des piétons, n’aura plus qu’une part secondaire. »

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