Des hauts et des bas – Paris-Brest-Paris EP 3
Le moral de Séverine connaît lui aussi des bosses et des descentes sur le Paris-Brest-Paris. Aller à Brest, c’est bien mais encore faut-il en revenir!
Quédillac, Illifaut, Loudéac: à l’assaut des bosses et des descentes
Une petite pause boisson à Quédillac car il fait bien chaud et moi voilà en route à l’assaut de la bosse d’Illifaut. Je monte à ma main et prends mon pied dans les descentes. J’ai d’ailleurs été accostée par un gars qui me dit: « Hey, mais tu es ma petite descendeuse de la semaine fédérale? ». « Oui, c’est moi et je m’éclate ». Je commence à calculer quand je vais croiser le peloton des costauds. Normalement, ça devrait se passer avant Loudéac. Je n’ai pas eu de nouvelle de Yves, je ne sais pas où il en est.
Effectivement, je ne me suis pas trompée, quelques kilomètres avant Loudéac, je vois un gars tout seul. J’ai cru que c’en était un qui se trompait de sens ou qui attendait un pote mais j’apprendrai plus tard que c’était l’homme de tête. Je croise ensuite un bon peloton. Je monte, ils descendent. Je n’ai pas le temps de distinguer qui que ce soit. Ils ont déjà leur gilet jaune, du coup je ne vois pas les maillots de club. Yves était-il avec eux? Je n’ai pas vu le maillot Charlott’ pourtant si reconnaissable. Je continue ma montée vers Loudéac et je sais qu’à partir de maintenant, je vais croiser pas mal de têtes connues. Cela va être super sympa.
Pointage à Loudéac à 18h30. Il y a un monde fou. Ceux qui reviennent de Brest, ceux qui y vont, les spectateurs, les assistants. Difficile de se frayer un chemin pour aller pointer. Jean-Marc me récupère à la volée et me sort rapidement de ce brouhaha. Le monde aurait tendance à m’étourdir, c’est assez étrange mais je me sens mal à l’aise dans la foule.
Grâce Uzel, Merléac, St Martin des Prés
Je fais part à Jean-Marc de ma volonté d’aller à Carhaix. D’une part il est beaucoup trop tôt pour dormir et d’autre part, je veux absolument couper la difficulté par une tranche de repos. Une fois de plus, pour avoir fait cette portion Loudéac–Carhaix sur le 600, je sais que les kilomètres qui suivent à la sortie de Loudéac vont être fastidieux pour moi. Christophe, lui, a préféré faire une pause ici car la chaleur ne lui réussit pas et son rythme a ralenti.
Je fais un bon repas (encore!) et me voilà repartie, à l’assaut des bosses. Une chose me motive grandement, c’est que j’ai eu Didier au téléphone. Lui était à Brest, mon père aussi. Si je me débrouille bien, je vais pouvoir lui faire un bisou à Carhaix. C’est super motivant pour moi. Je repars et me disant: « Pédale, à Carhaix, tu vas voir Chéri ». Et c’est ainsi que j’ai repris mon chemin.
Je regarde également si je reconnais les gens que je croise. D’un coup, j’entends « Allez Séverine! ». C’est Victor! Ah mais c’est génial, il a super bien avancé. Quelques mètres plus loin, je vois Jean-Gual. Il est seul, moi aussi, nous avons le temps de nous encourager mutuellement. Joli moment! Je suis contente qu’il en soit là, il a l’air plutôt bien, c’est chouette.
Je savoure la longue descente de Grâce Uzel et me prépare mentalement à escalader Merléac. Jean- Claude l’a assez répété: « Attention à ne pas perdre le sourire à Merléac. » Eh bien, non! À Merléac, je respire encore!! Comme au 600!! J’ai une pensée pour les copines d’Angers. Elles doivent être bien loin devant moi maintenant.
St Martin des Prés: quelle ambiance! C’est la fête au village. Devant la ferveur des habitants, je décide de me stopper un instant pour enfiler les habits de nuit. Manchettes, genouillères, gilet fluo. Je discute 2 mn avec un gars d’Angers qui m’avait épaulée lors du 600. Il me dit que je m’en sors bien. À ma grande surprise, je vois Brigitte qui repart. Elle, la grimpeuse, je ne pensais pas la revoir de si tôt. Je ne m’arrête pas longtemps car j’ai toujours la même idée en tête: à Carhaix, je vais voir Chéri!!
Une idée fixe: arriver à Carhaix et voir Chéri
C’est à peine si je sens les pédales sous mes pieds. Je suis dans une période d’euphorie, j’en ai conscience. Je retrouve Brigitte un peu plus loin. Nous discutons un peu. Je lui dis que le plus dur de l’étape est passé, que maintenant ce sont plutôt des toboggans. Je lui répète également sans arrêt: « J’avance car à Carhaix, je vais voir Chéri. » Je suis tellement sous adrénaline que je me sentirais presque d’aller à Brest. Et puis, je pense à Richard, qui sur le 1000 me disait de faire attention à ces périodes d’euphorie, qu’elles ne duraient pas.
Pas grave, pendant ce temps-là, j’avance et j’avance bien. C’est toujours une étape de bosses de passée. Le temps tourne plus vite à deux et nous nous entendons plutôt pas mal. Nous connaissons plein de gens en commun. Brigitte me parle d’une Nicole qui fait toujours du vélo avec son mari, me dit qu’elle l’apprécie. « Nicole? Nicole et Jean-Claude? Ah mais, tu m’étonnes que je les connais! C’est en partie grâce à eux que je suis là! ».
Je lui raconte notre 1000 d’Angers fabuleux et comment j’ai pris confiance au fil des difficultés. Les kilomètres défilent vite. Je fais part à Brigitte de mon intention de ne pas perdre de temps à St Nicolas. Je n’ai pas envie de m’arrêter, je veux voir Chéri à Carhaix. On se demande également où est le contrôle secret. On ne se posera pas la question bien longtemps. Un petit monsieur nous indique la direction à prendre pour se rendre à St Nicolas et son contrôle secret. Bon, ben, finalement, on va s’arrêter. Un pointage avec le sourire et nous voilà reparties. Je croise Christophe qui arrive, je lui dis que je me dépêche, je veux voir Chéri à Carhaix. Quand je vous le dis que je n’ai que ce mot-là à la bouche!
Regonflée à bloc
La portion St Nicolas–Carhaix est assez roulante. Les kilomètres passent vite. Dans la montée sur Carhaix, je dis à Brigitte, que je veux repartir pour 4h, histoire de récupérer un peu de mon retard par rapport à mon plan de marche basé sur 85h. J’arrive au contrôle avec un grand sourire. Je vois Jean- Marc qui m’attend, puis maman et Jean-Louis. Les gens sont étonnés, je les entends dire: « elle a l’air en pleine forme. » Oui c’est vrai, j’ai une pêche d’enfer! Si je m’écoutais, je partirais sur Brest.
Mais non, ce n’est pas raisonnable, il y a le Roc à monter et il faut dormir un peu. Brigitte crève à l’entrée du parking. Nous nous donnons RDV pour 4h tout à l’heure et nos chemins se séparent. Je pointe toute guillerette et reprends mon vélo. Maintenant je veux voir Chéri. Je m’arrête à la hauteur de maman: « Il est où Didier? » « Il fait la queue pour la douche. » Mince, va falloir que je patiente. Jean-Marc me récupère, il veut que j’aille à la voiture tout de suite. Non, mais moi, j’ai roulé comme une dingue pour voir Chéri, laissez-moi le voir!
Avec le recul, je sais que je ne suis pas raisonnable mais sur le coup, je n’ai que cette idée là en tête. Jean-Marc m’houspille un peu pour me faire remonter à la voiture. Je dois manger et dormir, c’est ça le plus important. Arrivée vers Cécile, je jette mon casque et me mets à pleurer. Je veux voir Didier. Je rappelle maman pour savoir si elle l’a vu. Sa réponse ne me convient pas: « je crois qu’il est couché » Grrrrr, mais vous vous êtes donné le mot ou quoi?
En désespoir de cause, j’envoie un sms à Chéri: T’es où, tu dors? Tout le monde m’empêche de te voir. Il me répond aussitôt: Je suis au self, je patiente pour manger. Ah enfin!! Je termine mon repas vite fait, enfourche mon vélo et redescends au contrôle 300m plus bas. Ça y est, enfin, je vais voir Chéri. Qu’est-ce que c’est bon de l’apercevoir. Je m’accrochais à ça depuis tellement de kilomètres. En 5mn, nous avons le temps de nous dire 3 mots, de se prendre dans nos bras, de se faire un bisou et c’est très sereine que je repars à la voiture. Il va bien, moi aussi, c’est parfait. Je m’installe dans le coffre pour 3h de sommeil réparateur. Ce n’est pas le tout mais tout à l’heure, y’a le Roc qui m’attend.
La montée du Roc Trevezel: un spleen d’enfer
3h15. Jean-Marc me réveille doucement. Il me faut 5 mn pour émerger. Quelques pâtes, un café et me voilà partie. Je retourne au contrôle pour récupérer Brigitte mais cette dernière me dit avoir mal dormi et n’est pas prête à partir. Pas grave, comme elle monte bien mieux que moi, nous nous retrouverons certainement plus tard.
Au démarrage, je retrouve Mickaël, venu faire ses brevets à Fleury. Je suis étonnée qu’il ne soit encore que là. Je pensais plutôt être à l’arrière du peloton. Nous faisons un petit bout de chemin ensemble, jusqu’à la 1ère bosse. Il ne fait pas bien chaud et le brouillard est de la partie. Je regrette de ne pas m’être habillée plus chaudement. Une 1ère montée pour nous mettre en jambe et nous voici dans la montée du Roc Trevezel. Je l’attendais celui-là depuis le temps que j’en entendais parler!
Je sais qu’il y a 17 km de montée alors je prends mon mal en patience. Je me cale sur ma petite vitesse de pédalage et n’en bouge pas. Je ne suis pas très rassurée car la circulation reprend et les camions n’ont pas l’air très conciliants. Il y a des vélos dans les deux sens, des camions dans les deux sens également et tout le monde peine à trouver sa place sur la route. J’ai dû crier à plusieurs reprises de peur qu’un cyclo roulant un peu trop à gauche ne se fasse renverser. Il faut également souligner l’imprudence de beaucoup de vélos qui roulent plus sur la bande blanche du milieu que sur celle de droite. Sont-ils inconscients? Trop fatigués pour se rendre compte du danger? On ne compte plus également le nombre de cyclos dormant sur le bas-côté. Je ne sais pas comment ils font avec ce froid et cette humidité.
Brigitte me rattrape mais je ne suis pas au mieux dans cette montée et je n’arrive pas à la suivre. Je lui demande de ne pas m’attendre car ça me stresse plus qu’autre chose. Je ne veux pas lui faire perdre son temps. Nous nous retrouverons peut-être plus tard…
Vers le pointage de Brest
Le jour commence à se lever et je m’amuse à regarder de l’autre côté, si je vois des petites têtes connues. J’aperçois Pascal de Flins, puis Cricri. Il a l’air en forme le gaillard! Au fur et à mesure que le jour augmente, c’est mon moral qui diminue. J’ai froid, et malgré mon petit dodo, le lever du jour rappelle à mon cerveau que je n’ai pas assez dormi. J’ai un spleen d’enfer. Je me demande comment je vais faire pour remonter toutes ces bosses. Aller à Brest, c’est bien mais encore faut-il en revenir. Cette question me taraudera l’esprit pendant toute la fin de l’étape.
Une petite pause-café à Sizun où je retrouve Brigitte toute pimpante et c’est reparti. Je me traîne, j’ai un vague à l’âme terrible. L’arrivée sur le pont Albert Loupe m’ôtera mes mauvaises pensées. Je fonds en larmes. Le paysage est quasi mystique avec toute cette brume. C’est magique.
Le pointage de Brest se mérite avec ces longs kilomètres de montée. Pfiouuuu que c’est dur. Je franchi le contrôle à 9h30 et fait part à Jean-Marc de mes doutes quant au retour. Comment vais-je réussir à remonter toutes ces bosses? Il me rassure en fin connaisseur de l’épreuve, me dit qu’une fois que je vais croiser des participants qui montent encore, le moral sera meilleur.
Une bonne pause et il me faut repartir. Ce n’est pas le tout mais Paris est encore loin!
Avec sa saga « Paris-Brest-Paris: un rêve de petite fille devient réalité », Ellesfontduvelo vous invite à suivre l’incroyable défi sportif de Séverine Devolder sur le Paris-Brest-Paris. Un parcours de 1200 km à vélo en moins de 90 heures, un rêve de petite fille qui est devenu réalité.
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