Retour en force – Paris-Brest-Paris EP 4
Il reste encore du chemin à faire mais le moral est au beau fixe pour Séverine qui profite bien de l’ambiance du Paris-Brest-Paris et se fait plaisir.
Le moral revient
Le soleil est revenu et me met du baume au cœur. Effectivement croiser tout ce monde qui monte encore, parfois à la limite des délais me revigore le moral. J’ai de bonnes jambes en cette fin de matinée et l’ascension du Roc se fera à une bien meilleure allure. J’ai mis 30 mn de moins au retour qu’à l’aller. Je prends du plaisir à découvrir ces paysages somptueux. Je fais également des coucous aux gens de l’autre côté de la route. Je croise Eric parti le dimanche matin mais également la famille Chabirand. Ce que ça fait du bien de voir du monde connu. C’est ça l’ambiance Paris-Brest.
A Sizun, il y a du monde plein la ville. Les gens nous encouragent, nous prennent en photo, l’ambiance est vraiment très sympa. Je m’octroie 5 mn de pause pour me récompenser de ma belle montée et me voilà partie dans une descente comme je les aime… Je me régale, je double plein de monde, me permet de dire « Right, Right, à droite SVP! » Allez Sev, fais-toi plaisir. Un petit gars me double, je me flanque dans sa roue, il se retourne 1 fois, 2 fois, bah oui je suis toujours là! Le compteur s’affole, 63… 64… 65 km/h. Quel pied!!! Le retour sur Carhaix est moins dur, enfin je trouve. Comme quoi lorsque le moral revient, tout va. J’arrive à Carhaix à 15h avec le même sourire qu’à l’aller. Je blague même avec les contrôleurs: « ce n’est pas qu’on n’est pas bien ici mais ça fait deux fois que je vous vois, maintenant je rentre à Paris ».
J’essaye de ne pas perdre trop de temps lors de la pause. Jean-Marc veille au grain pendant que Cécile s’affaire à me nourrir. L’objectif du jour était de rentrer à Tinténiac pour dormir mais j’avais mal évalué la vitesse à laquelle j’allais avancer. Tant pis, je vais déjà jusqu’à Loudéac, c’est impératif et ensuite on avisera.
Je tombe très rapidement sur le contrôle secret à Maël-Carhaix. La gourde! La veille avec Brigitte j’avais bien vu de la lumière dans la salle des fêtes et une banderole Paris-Brest. Le pire c’est que j’en avais rigolé en disant qu’il ne fallait pas se croire arrivés, qu’on était à Maël-Carhaix et non pas à Carhaix. Jamais un instant, je n’avais imaginé que c’était le contrôle secret du retour. Je pointe et je repars rapidement. C’est qu’il y a du chemin à faire cet après-midi.
Retour sur Loudéac et Merléac: un peu de compagnie
Comme à l’accoutumé, je roule seule. Les groupes qui me dépassent roulent trop vite pour moi et les cyclos que je double sont un peu à l’agonie. J’aimerais bien un peu de compagnie pour papoter. À force, seule, la route est longue. Je me mets également à avoir envie d’une crêpe. Je ne vais tout de même pas quitter la Bretagne sans en manger une. St Nicolas du Pélem tombe à point nommé. Je décide de m’y arrêter pour une pause goûter d’autant plus que je commence à me lasser des boissons dans mes bidons.
Zou, deux crêpes, un oasis et je m’installe. Tiens mais voilà Brigitte! Je ne pensais pas, une fois de plus, la revoir ici! Elle décide de m’attendre et de repartir avec moi. Elle aussi a envie d’un peu de compagnie. C’est assez drôle. On attaque et termine nos journées plus ou moins au même moment mais à l’intérieur, nous n’avons pas du tout le même timing. Alors au gré de l’instant, nous partageons quelques kilomètres.
Nous croisons également le chemin d’une américaine, mal en point. Elle a une crêpe dans sa poche. Je lui explique avec mon anglais approximatif que si elle n’accélère pas, je vais lui manger sa crêpe! « I want to eat your crêpe! I want to eat your crêpe! » Cela nous a valu un bon fou rire. Malheureusement notre américaine ne nous suit pas longtemps. La pauvre est HS. Elle se plaint de manque de sommeil et est complètement penchée sur son vélo.
Avec Brigitte, nous continuons notre chemin. Une petite pause à St Martin des Prés pour enfiler la tenue de nuit et c’est reparti. À mon grand soulagement, le retour sur Loudéac est tout de même plus facile. On descend Merléac et je me fais plaisir.
Un peu de repos et c’est reparti!
Nous gambergeons pas mal sur la conduite à tenir. Dormir ou pas à Loudéac? Avancer jusqu’à Tinténiac ou pas? L’étape est longue et je ne veux pas m’y risquer. Brigitte dormirait bien à Quédillac mais ça ne me convient pas car je ne pourrais pas bénéficier de ma voiture. Au final, les dernières bosses avant Loudéac ont raison de nous. Il est à peine 21h et nous nous donnons RDV à la sortie du contrôle pour un départ à 0h30.
J’avais prévenu Jean-Marc et Cécile que je voulais me coucher de suite. Je mangerai avant de partir. L’instant que je pointe, la voiture est transformée en chambre. Je me déshabille pour me mettre au sec et m’engouffre dans le coffre enroulée dans mon plaid.
Aussitôt, je me mets à grelotter. Ce n’ai pas que j’ai froid, je pense plutôt que c’est nerveux. Du coup, je sors mon téléphone et me connecte pour la 1ère fois depuis le départ à internet pour regarder les perf des copains. J’ai l’immense bonheur de voir que Yves est rentré en moins de 49h, Jean-Gual et Victor en moins de 50. Je suis vraiment contente pour eux. Je m’empresse d’envoyer un petit sms à Jean-Gual pour le féliciter et lui dire où j’en suis. Il approuve ma méthode de repartir à 0h30. Ça va, je ne me suis pas plantée. Je regarde également les heures de passage de papa et Didier, puis celles de Christophe et André. Ces derniers sont rentrés ensemble, dans un super chrono, je suis également contente pour eux. Je repose mon téléphone au bout de 5 bonnes minutes car je dois me résoudre à dormir.
Je frissonne toujours autant et le repos n’aura pas été aussi bénéfique qu’escompté. 23h45, c’est reparti mon kiki. Il y a encore une grosse étape de bosses et ensuite, on pourra respirer un peu. Je suis prête comme convenu à 0h30 mais ne trouve pas Brigitte. Quand je vois le nombre de vélos au contrôle, je me dis qu’elle n’a pas dû trouver de place pour dormir et a dû filer jusqu’à Quédillac. Je demande à Jean-Marc de surveiller s’il la voit et me voilà partie à la conquête de Tinténiac.
C’est fou comme le corps humain a de la ressource. Au bout de 5 minutes, les jambes répondent plutôt bien. Je commence à voir des gars se dandiner sur leur selle. Mon fessier, lui, est heureux sur ses escalopes. Geneviève avait raison, ça fonctionne plutôt bien.
À la conquête de Tinténiac
Je commets à nouveau l’erreur de ne pas assez m’habiller. La nuit est fraîche et humide, je suis transie de froid mais j’ai le moral. Je discute un moment avec un petit gars qui me dit que j’ai un bon coup de pédale. Lui est plutôt fatigué et veut aller dormir à Quédillac. Il me dit: « il reste tant de kilomètres. » « Oh mon garçon, ne va pas me faire peur! Je raisonne en étapes, pas en kilomètres! D’abord je vais à Tinténiac, ensuite Fougères, puis Villaines et après ce n’est que du bonheur!! »
C’est sur ce morceau de route également que Max me rattrape. On aurait voulu réussir à se voir, on n’aurait pas réussi. En fait, un gros groupe fond sur moi juste avant une bosse. Le groupe freine, je lève la tête et, à ce moment précis, une lumière reflète sur le cadre du vélo à côté de moi. Je ne me pose même pas la question. Il n’y en a qu’un qui peut avoir un vélo où reflète la lumière: Max! Je dis alors: « Max? ». « Oui » me répond-t-il! «Aha, coucou, c’est Sev!!» Nous papotons 5mn et il reprend sa route car lui n’a pas encore dormi et veut absolument trouver un matelas au prochain arrêt. Il me précise au passage avoir sur lui son nécessaire de rasage. Alors ça, je n’en doutais pas un seul instant. On a la classe ou on ne l’a pas!
La descente vers Quédillac me glace le sang. Je décide d’un petit arrêt pour essayer de me réchauffer. Soupe, café, tartines. Je revois une fille partie en même que moi qui n’a pas l’air très fraîche. Je m’installe et passe un petit coup de fil à maman. Papa est vers elle, je peux lui parler. Cela me fait du bien d’entendre sa voix. D’un seul coup, ça va mieux. Et puis, je retrouve aussi Brigitte, qui était en fait partie 5 mn après moi. Je croise également Marie-Claude, ma copine de club. Elle a l’air en forme.
Au bout d’une trentaine de minutes, il faut bien se résoudre à partir. À deux, nous allons nous tenir compagnie. Au loin, j’aperçois la petite lumière de Bécherel. Papa m’avait prévenue. Attention au piège, ça monte un bon bout de temps. Certains sont même surpris par le départ assez raide de la bosse et pose pied à terre. C’est bon pour le moral lorsqu’on arrive à rester sur le vélo. Nous pointons à Tinténiac à 5h40 et décidons, une fois de plus de nous séparer avec Brigitte. Je veux aller déjeuner à ma voiture tandis qu’elle veut avancer et profiter d’un petit café pour trouver un peu de réconfort.
Au moment où je sors du contrôle, je reçois un mms de maman. C’est une photo de Didier à l’arrivée. Quel Bonheur, il a réussi une sacrée belle perf le Chéri. Ni une ni deux, je l’appelle aussitôt: 2 mn de conversation qui en valent 10.
Jean-Marc et Cécile me récupèrent, ils sont gonflés à bloc. Ils m’encouragent, sont aux petits soins pour moi. Ils sont adorables tout simplement. Je ne pouvais pas rêver mieux comme assistance. Ils reproduisent sans le savoir exactement ce que je faisais avec papa et je me sens bien avec eux. Je me mets un peu au chaud dans la voiture et surtout me rhabille en maillot long. J’ai eu trop froid durant la nuit. J’en profite aussi pour faire une petite sieste.
Malgré tout, je repars fatiguée du contrôle et très vite la levée du jour va me jouer des tours. Je me rendors, ne trouve pas mon rythme. J’essaye de chanter pour me tenir éveillée mais rien n’y fait. La route est longue. Brigitte me rattrape à nouveau car elle a fait une sieste à Tinténiac. Je lui dis de partir, que je ne suis pas bien et que j’ai besoin d’être seule. Je crois que c’est la dernière fois que nous nous verrons jusqu’à l’arrivée.
Avec sa saga « Paris-Brest-Paris: un rêve de petite fille devient réalité », Ellesfontduvelo vous invite à suivre l’incroyable défi sportif de Séverine Devolder sur le Paris-Brest-Paris. Un parcours de 1200 km à vélo en moins de 90 heures, un rêve de petite fille qui est devenu réalité.
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