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Seule face à son défi – Paris-Brest-Paris EP 2

Seule face à son défi – Paris-Brest-Paris EP 2

Seule face à son défi – Paris-Brest-Paris EP 2

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Séverine essuie soucis techniques et moments difficiles mais garde la rage de vaincre et de venir à bout de son premier Paris-Brest-Paris.

Toute seule face à mon défi

Je suis désormais toute seule comme une grande face à mon défi. Je me cale dans les roues que je trouve au fur et à mesure de ma progression. Il y a pas mal d’asiatiques dans notre groupe. Ils roulent assez fort et sont très silencieux. J’arrive à suivre donc j’en profite. Je me dis que ça se calmera après le 1er ravito.
À un moment donné, je ne sais plus trop où exactement, je trouve la roue d’un gars qui pédale bien et dont le rythme me convient. Lui ne sourcille pas. Après quelques kilomètres, je réagis: « Tiens, un cuissard de Chantepie… Tiens un monsieur qui porte des sandales… Tiens, il est adepte de la même position que Christian en descente… ». Trop de coïncidences tuent la coïncidence, j’accélère un peu pour me hisser à sa hauteur, je lis sa plaque de cadre, et je découvre Christian, un de mes papas (heu, non, grand frère pardon!) sur le 1000 d’Angers. Quel bonheur de pouvoir discuter 5 minutes avec lui! Il me dit que j’ai un bon coup de pédale.
C’est vrai que je me sens en pleine forme. Il a changé son gilet fluo floqué à son pseudo du forum, du coup, je n’avais pas imaginé une seconde que c’était lui. Hop, une nouvelle bosse et je perds Christian. Je ne m’affole pas, lui pédale bien pour retrouver son ami Philippe parti 30 mn plus tôt, et moi, j’ai encore un bon millier de km à gérer.
Il est 23h45 quand j’arrive à Mortagne. Cécile et Jean-Marc se sont installés sur la place comme je le faisais d’habitude. Une portion de pâte, remplissage des poches et des bidons et me voilà reparti au bout de 15 min.

Villaines-la-Juhel: tout roule

L’avantage d’avoir en assistance des gens qui connaissent bien Paris-Brest, c’est que tout roule. Pas besoin de beaucoup se causer, ils savent d’avance ce qu’il faut faire et les automatismes arrivent vite.
Je file sur Villaines-la-Juhel, ville étape emblématique. À vrai dire, je ne me rappelle pas grand-chose de cette portion faite intégralement de nuit si ce n’est ce long ruban de lumières rouges qui déambule sur la route. Pour m’occuper l’esprit, je m’amuse à regarder les plaques des vélos qui me dépassent. Il y a déjà des lettres M qui me rattrapent… Il ne faut pas que je traine de trop sinon Geneviève et les Flinois vont être sur moi avant Fougères!! Je mouline bien dans les montées, je sens que je voyage en light.
L’arrivée à Villaines est pleine d’émotion. Cette nuit, ce n’est pas moi qui attends sur le mur qui surplombe la route. C’est assez étrange comme sentiment. Vivre de l’intérieur, ce que j’ai vécu tant de fois depuis le bord de la route. Dans la nuit, je rate Jean-Marc qui m’attendait pourtant vers les escaliers. Pas grave, un petit coup de fil et nous nous retrouvons. C’est magique les moyens modernes de communication. Je me sens vraiment bien. Il est 3h15 et la pause ne s’éternise pas. Pour l’instant, je gère bien le timing et j’ai pris une bonne avance sur le plan de route. Je commence à dire à Jean-Marc que nous allons certainement pouvoir aller à Brest sans dormir. Ce serait vraiment chouette. C’est toute contente que je remonte sur mon vélo direction Fougères.
C’est assez marrant car en fait je ne me rappelle pas des bosses dans ce sens. C’est en écrivant mon compte rendu que je m’aperçois que nous sommes passés par le Ribay à l’aller. Pourtant au retour, elle m’a marquée cette montée! Comme quoi, je me sentais vraiment bien.

Cahin-caha après Lassay les Chateaux

Ce que je me rappelle en revanche, c’est que ma manette de changement de vitesse est drôlement dur. J’ai du mal à passer les 2 derniers pignons. Du coup, je passe volontiers le petit plateau pour grimper. Je suis rejointe par Thierry du forum des rubans blancs. Il se rappelle à mon bon souvenir car nous nous sommes croisés à plusieurs reprises sur les brevets cette année. Il me propose de faire quelques kilomètres ensemble. Bien lui en a pris. Dans la belle descente après Lassay les Chateaux mon câble de dérailleur casse. Je suis en panique totale. Une fois de plus, je maudis cet italien. Il m’a fichu mon Paris-Brest en l’air.
Heureusement, Thierry, que je ne remercierai jamais assez, s’y connait assez en mécanique pour m’aider. À vrai dire, cette mésaventure lui est déjà arrivée et il sait comment faire. Il bricole donc mon vélo dans la pénombre, sur le bord du trottoir, et réussit à me bloquer dérailleur et chaine pour que je puisse rentrer à Fougère. Je guette du coin de l’œil si je vois passer Geneviève et les copains. Je suis sûre qu’elle me réparerait ça en 2 coups de cuillère à pot. Mais pas de Géné à l’horizon… C’est que jusque-là, j’avais bien avancé. On ne récupère pas 2h30 de retard comme ça.
Au bout d’une vingtaine de minutes, nous pouvons repartir. Thierry ne veut pas me laisser seule. Il a peur que son bricolage ne tienne pas et que je sois à nouveau embêtée. Je préviens mon assistance que j’aurais du retard et surtout leur demande de vérifier s’il y a bien un vélociste au contrôle.
Je repars donc cahin-caha en me débrouillant comme je peux avec mon semi-fixie. La technique est simple. Petit plateau pour monter, moyen sur le plat et grand pour descendre. Dieu que cette portion fut longue. Je bouillonne intérieurement et m’en veut de retarder Thierry. Il est 9h lorsque nous arrivons au contrôle. Point vu les Flinois, ils ont dû me doubler cette nuit. Pas revu non plus les filles d’Angers, bizarre…

Une pause technique riche en émotions

Jean-Marc embarque mon vélo direction le stand réparation pendant que Cécile me prépare un petit-dèj réconfortant. Il y a la queue du côté du vélociste. Pas grave, l’essentiel est qu’il me sauve mon PBP. 30 mn et Jean-Marc ne revient pas. Je vais voir ce qu’il se passe. Le gentil monsieur un peu dépassé m’annonce qu’il a un rendez-vous et qu’il doit aller chercher du matériel donc il s’en va… « Hé mais non ce n’est pas possible. Il faut que je reparte! ». Mais non, le gars s’en va. Je demande dans la panique à son collègue de me remettre mon câble. « Ah non, je n’y touche pas, ce n’est pas moi qui m’occupe de votre vélo. »
Mais ce n’est pas possible, bon sang, au secours!! Ils se sont donnés le mot ou quoi? Ils veulent tous me ruiner ma randonnée! Je suis passée par tous les états émotionnels qu’il est possible d’avoir… La rage, la fatigue, l’impatience, la compréhension, l’incompréhension. Bref, 1h plus tard, revoilà mon petit gars. Maintenant il veut changer ma manette qui est à priori HS. Soit mais qu’on en finisse, et vite! Il me rassure en me disant que mon temps n’est pas décompté. « Mais oui, c’est ça!! J’ai 90h plus du temps pour les réparations! »
Le bougre, je vais finir par me fâcher. Devant mes larmes, il comprend qu’il faut accélérer le mouvement. Je n’arrêtais pas de lui dire: « Ce sont mes heures de sommeil que vous utilisez monsieur. C’est ce soir que je vais payer l’addition! ». Je ne sais pas si c’est la pression que je lui ai mise ou s’il a vraiment du mal mais en plus, il n’arrive pas à faire ressortir le câble en bas du cadre. Plus il touche au vélo et moins ça marche… Entre temps, j’ai eu Geneviève au téléphone. Ils sont dans un café à Fougères et ont bien de quoi me réparer. Seulement moi, je suis coincée là avec mon apprenti bricolo qui en plus vient de couper le câble de frein! Je vais le tuer. À cet instant précis, je me demande même si nous ne sommes pas dans une caméra cachée.
Un long moment plus tard, après que le gus ait fini par me remettre mes câbles et scotcher ma plaque de cadre avec un gros adhésif orange tout moche, me voilà enfin prête à repartir. J’ai oublié la signification du mot sérénité. Il est 11h et tout est à refaire.
Je passe également aux toilettes histoire de changer de cuissard car ma technique de protection de la peau grâce à des pansements a mal fonctionné. Les pansements n’ont pas tenu et la colle est maintenant au fond du cuissard. Ça me fait mal et je ne veux pas risquer la blessure. Arrivée aux toilettes pour dames, c’est rempli d’hommes évidemment. Je les préviens que j’ai besoin du lavabo pour faire un brin de toilette et que je voudrais bien qu’ils sortent, ce qui n’a pas l’air de les affoler. Ils me disent que chez eux, c’est bondé et qu’ils resteront là. Soit, je fais du Séverine dans toute sa splendeur. J’ai perdu assez de temps comme ça. Ah ah, ils ont cru que je n’allais pas le faire mais moi, je ne me dégonfle pas! Je retire mon cuissard et commence ma toilette. Ils sont sortis, je peux vous l’assurer. Non mais!

Et c’est reparti vers Fougères et Tinténiac

Jean-Marc et Cécile essayent de me calmer pour me remettre en selle. Ils me font relativiser: « Ton Paris-Brest n’est pas fichu et c’est bien là l’essentiel! ». Ils ont raison. Je repars mais ressasse tous mes soucis. Les filles d’Angers sont passées vers 9h30, Christophe m’a rattrapé bien avant ce que j’espérais, je n’ai pas vu ma copine alors que ça m’aurait vraiment fait plaisir, Bruno doit être bien loin maintenant… Bon allez Sev, du calme… Il ne faut pas tout gâcher par du stress. Voilà une petite étape pour se remettre en selle. Il fait beau, il n’y a presque pas de vent et encore beaucoup de monde sur la route. Ça va le faire ma belle!
Fougères–Tinténiac. Étape assez roulante que je connais partiellement pour en avoir fait un bout sur le 600 d’Angers. La sortie de Fougère est fastidieuse. C’est que ça monte. Il fait un beau soleil, c’est bon pour le moral. Je déraille plusieurs fois. Les vitesses n’ont pas été réindexées et je dois faire attention en changeant les plateaux. Pas grave, je vais faire avec. Si Didier était là, il râlerait copieusement!
Tinténiac. Il est 13h20. J’aurais voulu y être à midi. Je vais devoir rogner sur ma nuit. Jean-Marc et Cécile ont trouvé la bonne technique. Ils s’installent plutôt un peu après le contrôle. Lorsque j’arrive au pointage, je leur passe un petit coup de fil et souvent la réponse est: « tu ressors du contrôle, tu reprends ta route et tu es obligée de passer devant nous ». Ils sont parfaits. Quand j’arrive à la voiture, la table est prête. Jean-Marc refait mes bidons pendant que je mange et Cécile me remonte le moral. Ils me donnent également des nouvelles de Didier et papa car ils ont régulièrement maman au téléphone. En allant à la voiture, j’ai également croisé Brigitte qui elle repartait du contrôle. On ne se connait que par l’intermédiaire de Facebook mais le contact est d’emblée facile. On se parle 2 mn et chacune repart de son côté. À ce moment-là, j’étais loin de me douter que nos chemins allaient se recroiser aussi souvent.
Pause repas: salade de pâte, fromage, fruit et me voilà repartie. Je charge également Cécile d’une mission bien spéciale. Je commence à avoir mal aux fesses et l’expérience du 1000 est encore assez vive dans mon esprit. Je lui demande donc de m’acheter des escalopes de veau. C’est que je n’ai pas envie de me faire disputer par Geneviève au retour! Elle m’a assurée que ça pouvait m’aider alors je vais l’écouter.

Loudéac et la bosse de Bécherel

Une grosse demi-heure s’est écoulée lorsque je repars en direction de Loudéac. Cette fois-ci, on y est, on va commencer à en découdre avec mon point faible: les grimpettes!! Ce qui est bien, c’est que comme je roule seule, je vais pouvoir m’amuser dans les descentes!!
Il fait assez chaud en ce début d’après-midi. La bosse de Bécherel arrive bien plus vite que dans mon souvenir et je la négocie plutôt bien. Rouler seule, vu la météo, est un avantage pour moi. Je ne culpabilise pas en voyant les autres m’attendre. Et puis, sur 6000 inscrits, j’arrive fatalement à en doubler quelques-uns. C’est bon pour le moral! Un phénomène assez étrange se produit tout au long de l’après-midi. Alors que la plupart des gens essayent de rouler du mieux possible afin de tenter de rallier Carhaix ou Brest sans dormir, les cyclos asiatiques, eux, commencent leur sieste.
On en voit partout dans les champs, au bord des chemins, un peu n’importe où d’ailleurs. C’est assez impressionnant. Il faut faire attention car ils ne préviennent pas lorsqu’ils s’arrêtent et roulent beaucoup à gauche. C’est assez rigolo comment, au comportement, on reconnait une partie de la population. Les américains, très volubiles, les espagnols et les italiens très machos, les asiatiques qui roulent fort, dorment n’importe où et ne soucient guère des délais. Quelques français qui se la jouent alors qu’ils vont faire un temps de 85h! C’est ce qui fait la richesse de Paris-Brest et c’est merveilleux de découvrir tout cela.
Je n’ai pas encore parlé non plus des gens qui nous encouragent sur le bord de la route. Ils organisent des petits ravitos, parfois gratuitement, parfois pour 1 ou 2€. Leurs encouragements me galvanisent. En plus, on m’avait prévenu, une femme est encore plus saluée. C’est assez agréable à vrai dire. Et puis, j’ai retrouvé le sourire. Je suis heureuse d’être là et je le montre. Je blague pas mal, je prends beaucoup de plaisir.

Avec sa saga « Paris-Brest-Paris: un rêve de petite fille devient réalité », Ellesfontduvelo vous invite à suivre l’incroyable défi sportif de Séverine Devolder sur le Paris-Brest-Paris. Un parcours de 1200 km à vélo en moins de 90 heures, un rêve de petite fille qui est devenu réalité.

Épisode précédent: « Allez Séverine! » Épisode suivant: Des hauts et des bas

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Commentaires (1)

  • Bravo , je suis au club ucna
    bon courage pour la suite , je n’ai jamais osé me lancer sur cette belle randonnée mais 2003, 2007 j’étais bénévole et ,rien que de voir partir ces champions j’avais le coeur gros
    Geneviéve ,elle est prof si le cas j’ai travaillé avec elle a JULES FERRY
    MARCELINE

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