La cyclosportive Haute Route Ventoux : la quintessence de la joie cycliste
La cyclosportive Haute Route Ventoux: voilà c’est fait. Et notre première pensée est : quand est-ce qu’on recommence ?! Découvrez le récit d’Elena qui roulait pour EFDV.
Nous remercions Elena Ivanova pour la rédaction de cet article.
Nous avons croqué les 3 étapes de la cyclosportive Haute Route Ventoux comme des friandises. Nous avons plongé dans une atmosphère incomparable, nous nous sommes imprégnées d’un esprit qui rassemble, qui engage, qui endurcit et qui nous attache à cette épreuve unique.
Tamara et moi avons traversé l’épreuve ensemble, au courage, électrisées d’une énergie nouvelle. Durant trois jours nous avons tout partagé : les petits déjeuners à 5h30, les échauffements au petit matin glacial (3°), la mécanique le soir, la navette entre le massage, le briefing, le repas, les préparatifs pour le lendemain (ne rien oublier dans le sac qui nous attendra à l’arrivée) : il y a beaucoup à faire et la journée semble courte quand on passe 6 ou 7 heures sur le vélo. Heureusement nous sommes très bien équipées et très bien organisées, donc chaque jour à 21h30 nous sommes prêtes pour la phase la plus importante : le sommeil de récupération.
Premier jour de la cyclosportive Haute Route Ventoux
J’attaque la première étape de la cyclosportive Haute Route Ventoux avec mes réflexes de course d’un jour : départ à bloc, tenir un groupe, un peu plus fort que moi si possible, premier col à bloc, tenir, tenir … Je roule à mon seuil aérobie : 90-96% de ma fréquence cardiaque maximale. Je travaille au cardio, alors que Tamara travaille à la puissance.
Depuis ma blessure je préfère ne pas regarder mes valeurs de puissance, la perte de force de ma jambe blessée entraine fatalement une perte de puissance. Alors je me fie à mon cœur, toujours vaillant !
Le vent est fort, surtout dans les gorges où les rafales nous surprennent à chaque virage. Mais le vent ne me fait plus peur, j’ai appris à laisser faire et ne pas me crisper sur le vélo. La montée du Ventoux par Sault est agréable, un début pentu, mais le temps de trouver ça difficile, la pente se radoucit et le vent nous pousse même gentiment dans le dos.
La ligne d’arrivée est déjà là et partout des visages souriants, des équipiers qui se retrouvent, contents et fiers.
En bas Tamara et moi testons la cryogénie (3min à -150°) pour évacuer les toxines : c’est exactement ce qu’il me faut au vu de l’intensité de mon travail du jour. Les étudiants kinés sont vite disponibles pour le massage du jour. Tamara engage avec délectation un débat mi-scientifique, mi-mystique sur l’analyse de ses données de puissance et leur utilisation optimale en course et à l’entrainement.
Moi je suis étonnée par l’énorme disponibilité des animateurs des stands.
Deuxième jour de la cyclosportive Haute Route Ventoux
La deuxième journée de la cyclosportive Haute Route Ventoux se présente à nous comme un dilemme physiologique : est-il possible d’enchainer avec 140km, avec un final de 20km d’ascension du Ventoux, avec des pentes à 9-10% la plupart de la montée ? J’ai déjà cumulé km et D+ en stage hivernal, mais le rythme course est différent. En vélo je n’ai jamais abandonné, ni à l’entrainement, ni en course, même si j’ai souffert à en pleurer, alors je ne me pose pas longtemps la question. Je sais que ma tête tiendra et les jambes n’auront qu’à suivre ☺ Je ne m’aventure cependant pas à partir sur le même rythme que la veille et je reste à l’allure tempo (85-90% de ma fréquence cardiaque maximale).
Nous restons groupés longtemps dans les pentes longues, mais très douces. La vue des gorges de la Nesque est exceptionnelle. Au fil des descentes et des ravitaillements, le peloton s’effiloche et l’effort redevient plus individuel. Mais dans chaque bosse (il y en a 6 au total) on peut trouver une roue qui nous assure un bon tempo.
L’arrivée au ravitaillement à Malaucène (km 120) après 24 km de montagnes russes, me trouve vidée de réserves d’eau et d’énergie. Les sourires et les mots d’encouragement qui viennent tout seuls, tant l’empathie entre participants est forte, me reboostent pour la montée. Mon braquet n’est clairement pas suffisant pour que j’assure une cadence souple, je pédale souvent en force, ce n’est pas beau et ça me coûte musculairement, mais il ne faut surtout pas s’énerver et je me cale donc à une allure régulière qui me garantit d’aller au bout sans me cramer. J’ai le temps d’observer ma technique de pédalage, comme une révision en boucle des centaines d’exercices effectués depuis cinq ans : pousser, mais surtout bien tirer la pédale, garder la cheville souple, le corps gainé, tirer sur les mains aussi.
Ravitaillement à mi-col, je m’arrête surtout pour une nouvelle dose d’énergie positive et de gentillesse ☺ : là je ne suis vraiment plus en mode course, d’habitude je ne m’arrête jamais aux ravitaillements ! Et voici enfin ces fameux paysages, vus tant de fois en photo : les cailloux gris et blanc, les piquets jaune et noir, la station blanc et rouge dressée au sommet.
A l’arrivée, toujours la foule cycliste joyeuse mais calme, l’organisation au millimètre, les sacs alignés qui nous attendent. Descente à travers le paysage lunaire du sommet, puis à travers la forêt magnifique de couleurs flamboyantes, massage, briefing, préparation du vélo, de la tenue, du sac … la routine commence à être rodée ☺
Dernier jour de la cyclosportive Haute Route Ventoux
Et voici le dernier petit matin glacial de la cyclosportive Haute Route Ventoux : curieusement je sens un regain d’énergie et la paisible détermination d’avaler ces 21 km d’ascension sans problème. A observer mon corps se régénérer après deux jours d’efforts me donne résolument l’envie de le tester sur un enchainement de 7 jours. La pente est régulière, il faudrait mettre un peu plus de rythme mais je n’ose pas me tester à flirter à nouveau avec le rouge.
Et cette forêt est envoûtante, on a envie de la contempler en assurant juste le tempo, plutôt que de s’immerger dans un effort intense qui demanderait de se couper du monde et de se concentrer uniquement sur la domination de la douleur. Une deuxième fois le vent impérieux nous arrête au chalet Reynard, mais on ne l’apprend qu’à 2 km du sommet donc c’est trop tard pour changer de stratégie de gestion de l’effort. On pend notre médaille de finisher comme de grands enfants heureux, on n’a pas envie de se quitter, on a juste envie de recommencer, bientôt.
Ce qui distingue les « Hautes Routes » aux cyclosportives connues n’est pas seulement son caractère d’une course à étapes, tellement rare à trouver en France, mais son ambiance: l’aspect de compétition devient secondaire. Même pour les meilleurs.
La Haute Route est surtout un évènement qui donne l’opportunité de dépasser ses limites souvent plus mentales que physiques, de réussir un défi personnel. Cela est vrai pour chacun, du premier au dernier.
Une cyclosportive difficile, certes. Mais qui reste possible grâce au personnel et l’organisation parfaite. Sans oublier les autres participants et leurs encouragements, les liens que nous avons créés entre nous… J’ai hâte de participer à une autre fois à une Haute Route!!
Anonyme
Merci pour ce partage Plein d émotions et d efforts respectueux de votre corps