Le cyclo-voyage, mais pourquoi faire?
C’est alors qu’elle m’a demandé, avec une pointe de dédain: « Mais pourquoi tu fais du cyclo-voyage? C’est quoi le but? ».
Les mariages sont parfois une occasion de retrouvailles et d’échanges chaleureux, d’autres fois, ces événements sont le théâtre de malaises humains et de rencontres incommodantes. Il y a quelques temps, je me suis retrouvée dans un mariage de la seconde catégorie. On m’a assise à une table que j’ai partagé avec des gens de milieux sociaux, disons, un brin éloignés du mien. Comme je le dis souvent: «On est toujours le bizarre de quelqu’un». Cette fois, c’était moi la bizarre de ces quelques personnes. Ma bizarrerie? Le cyclo-voyage.
À un certain moment durant la soirée fastueuse, après avoir participé avec un enthousiasme poli aux conversations de mes acolytes obligés, j’ai glissé un mot à mon amoureux sur ma hâte de partir à vélo le lendemain pour une boucle de 1000km en solo, entre le Québec et l’Ontario. Sa voisine de table s’est alors intéressée à mon projet. En deux-trois phrases, je lui ai résumé mon trajet. J’aurais pu en parler pendant beaucoup plus longtemps, mais j’ai présumé que son attention était limitée. Je me suis donc rapidement interrompue face à son expression d’absence. C’est alors qu’elle m’a demandé, avec une pointe de dédain: « Mais pourquoi tu fais du cyclo-voyage? C’est quoi le but? »
Le cyclo-voyage, mais pourquoi faire?
Je suis d’abord restée bouche bée face à son incompréhension
Je dois admettre que je suis restée bouche bée face à son incompréhension. Pourquoi je roule tous ces kilomètres, en solo, sans commanditaire, sans couverture médiatique, sans dossard ni médaille au fil d’arrivée? Plusieurs mois ont passé depuis cette conversation stérile, et encore à ce jour, j’ai de la difficulté à y répondre de manière rationnelle.
J’adore explorer le monde à pied ou à vélo
L’aventure m’appelle depuis que je suis enfant. Je ne sais pas d’où ça vient dans mon histoire familiale, mais je sais que cette envie part de mes tripes. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été attirée par de nouveaux lieux à explorer à pieds ou à vélo. Et même si le sens de l’orientation me fait défaut – à un tel point que j’ai déjà atterri dans le mauvais pays, mais c’est une autre histoire – malgré tout, à aucun moment j’ai pensé raccrocher mon baluchon.
Par ailleurs, je n’ai jamais été intéressée par les motorisés, ni les voitures, ni les motos, ni les bateaux à moteur, et ce, au grand dam de mon père qui aurait bien aimé que je conduise l’un de ces joujoux à quatre roues.
J’ai aujourd’hui trente-quatre ans et je n’ai toujours pas de permis de conduire. Ce que j’ai par contre: des tonnes d’anecdotes et d’histoires improbables. Ma bibliothèque est aussi remplie de récits d’aventure. Je voue une grande admiration pour les aventuriers et aventurières, telles que Mylène Paquette et Sarah Marquis, qui explorent des terrains ardus, méconnus et qui fracassent des records du monde. Ces femmes et ces hommes portent en elles et en eux une partie de l’histoire de la terre. C’est fascinant! Enfin, moi je suis fascinée!
Pouquoi je fais du cyclo-voyage, finalement?
Il n’y a pas de mot assez puissant pour décrire ce qui se passe dans ma tête et surtout, à travers mon corps, de la racine de mes cheveux, en passant par mon gorge, mon coeur et ce jusqu’au bout de mes orteils, lorsque je roule pendant plusieurs jours consécutifs, vent de dos ou vent de face, sous la pluie battante ou sous le soleil cuisant, et que soudainement, je partage un bout de route avec un chevreuil galopant à quelques mètres de moi ou que je croise une tortue sur une piste cyclable.
C’est comme si j’habitais soudainement tout mon être et qu’en même temps, je devenais réceptive fois mille aux éléments qui m’entourent. C’est un high puis-sant qu’aucune drogue artificielle ne peut égaler. Du moins, à mon humble connaissance et selon mes multiples expériences.
Finalement, pour revenir à la question initiale: Pourquoi je fais ça, du cyclo-voyage? Je n’ai toujours pas de réponse rationnelle qui correspond aux attentes capitalistes de la plupart des gens. Ce n’est ni pour l’argent, ni pour la gloire et certainement pas pour avoir un Beach body! Simplement, je dirais que c’est pour vivre pleinement, pour à la fois sortir de moi-même et de mes zones de confort, repousser mes limites imaginaires et aussi pour partir à la rencontre d’un monde vivant, vibrant et libre.
Puis pour être vraie, toucher à ce qu’il y a de plus sincère en moi-même, aller à l’essence de mes émotions et de mes sensations. C’est juste pour ça et surtout pour tout ça que je roule. Et vous, déjà essayé le cyclo-voyage?
Laurie Morvan-Houle
Ouiiii ouiiii je partage tellement . Y’a pas de mots, mais tu réussis si bien à en mettre quand même de très justes. Merci. Ca fait du bien de les lire ces mots. Ca me donne envie de REPARTIR À VELO !!!!!
Pierre
Très belle explication du pourquoi le cyclo-voyage… pour le déjà convaincu que je suis, mais probablement aussi beaucoup plus largement. On ressent l’émotion que cela vous procure. Finalement ce mariage, pas très agréable pour vous, aura débouché sur cette très belle explication. Et la prochaine fois, vous serez peut-être moins dépourvues face à ce type de question qui n’est pas nécessairement la marque du dédain mais celle d’une réelle incompréhension !
Merci.