La Vaujany 2019 : la montée de l’Alpe d’Huez manquée suite à la canicule
La rédaction remercie Adrienne Estrada, Capitaine de TEAM @ellesfontduvelo, pour la rédaction du compte rendu de la cyclosportive La Vaujany 2019 malgré la déception de la montée de l’Alpe d’Huez!
Présentation de la course : La Vaujany 2019
Le 30 juin dernier avait lieu La Vaujany Grand Trophée, avant-dernière étape de la série avant la Baie de Somme en septembre avec notre Sponsor RAPHA, et une TEAM ELLES FONT DU VELO était présente, et j’ai eu l’honneur d’en être la Capitaine.
On pouvait choisir entre deux parcours :
– Le Granfondo : 175km – 3 850 m/D+
Au départ du barrage du Verney, une vingtaine de kilomètres bien roulants avant d’attaquer l’Alpe du Grand Serre (1368 m) puis le Col d’Ornon (1350 m). De quoi se mettre en jambe pour l’ascension de l’Alpe d’Huez par Villard Reculas, qui rejoint la route mythique dans les derniers lacets, prolongée jusqu’au col de la Sarenne (1999 m). On redescend ensuite vers Rochetaillé, pour une arrivée à Vaujany avec un « final costaud » de 4 km, avec des passages à plus de 10%.
– Le Mediofondo : 112km – 2 450m/D+
Parcours identique, à la différence près qu’au lieu de se lancer dans l’Alpe d’Huez, les cyclistes filent directement vers Vaujany.
Une cyclo test pour démarrer la saison
Cette cyclosportive, coincée à la toute fin du mois de juin, semble donc proposer plusieurs avantages. Qu’on l’envisage comme une préparation aux « gros morceaux » de montage du mois de juillet ou bien comme possibilité de se confronter aux Alpes dans une course technique mais accessible, elle était en tout cas une belle promesse.
C’est en tout cas dans cette seconde optique que je l’ai envisagée. Ayant commencé le vélo un peu sérieusement il y a seulement un an et découvrant le monde des cyclosportives, cette course m’a paru davantage à ma portée que les épreuves mythiques de juillet (l’année prochaine, qui sait ?), tout en préservant mon mois de juillet pour des vacances sans vélo (et ça fait du bien aussi !). Mais ce n’était pas un choix au rabais non plus : après le Ventoux à l’automne dernier, il était peut-être temps de se confronter à l’Alpe d’Huez… Même si je n’ai pas pu dégager beaucoup de temps en juin pour me préparer.
Bref, après la Gassin Saint Tropez et la Bourgogne en avril avec les TEAM @ellesfontduvelo, la date était cochée pour mon troisième rendez-vous du Grand Trophée. Le 30 juin, à la Vaujany. Comme par réflexe, je cherche donc à rejoindre la TEAM @ellesfontduvelo de la course… que je ne trouve pas, pour la simple et bonne raison qu’elle n’existe pas encore. Raison de plus pour y aller !
On me propose alors de la créer et d’en devenir la capitaine. L’excitation est grande, la responsabilité aussi, mais je n’hésite pas longtemps :
– Je suis pleinement convaincue que la visibilité des femmes dans le monde du vélo, et en particulier sur les cyclosportives, doit être défendue en s’unissant. Et puis les choses n’avancent pas vraiment si on laisse toujours les autres faire… Bref, le principe des TEAM me parle beaucoup.
– L’expérience que j’en ai faite sur les deux autres cyclosportives n’a fait que confirmer cette conviction théorique. A Saint Tropez comme en Bourgogne, rejoindre une TEAM a été l’occasion de rencontrer d’autres cyclistes femmes, de partager de bons moments, de moins bons aussi mais toujours avec une solidarité particulière. Et puis je sais que ça aide aussi certaines d’entre nous à se lancer.
– Et puis pour m’aider à me lancer, il y a le bel article de Cath Fittipaldi qui venait d’être publié sur la mission de la Capitaine de TEAM @ellesfontduvelo.
Une nouvelle aventure pouvait commencer.
Cela commence quand, une course ?
Au top départ ? Ou bien quelques secondes après, alors que le coup de feu a été donné, que l’adrénaline est lâchée, et que le peloton se met tout doucement en ordre de marche dans la nuée ? Ou bien peut-être bien avant tout ça. En tout cas, au vu des expériences précédentes, j’avais cette fois-ci fait le choix de me rendre à Vaujany le plus tôt possible, profitant de ce que la course ait lieu le dimanche. Il ne s’agissait pas seulement de s’acclimater, mais surtout de se remettre d’un long voyage depuis Paris, de profiter du coin aussi, et d’avoir le temps de se reposer, de rouler un peu la veille histoire de « débloquer les jambes ».
Arrivée sur place à Vaujany, vendredi
J’arrive donc le vendredi d’une semaine de canicule, en toute fin d’après-midi, sous une chaleur de plomb. Depuis Paris, train jusqu’à Grenoble (quand est-ce que la SNCF voudra bien faciliter le transport des vélos dans les TGV, bon sang ?!), puis bus Trans’Isère jusqu’au Bourg d’Oisans. Ensuite, face au peu de demandes, le réseau Trans’Isère préfère faire appel à une société de taxi pour desservir en été les stations comme Vaujany. Le vélo est dans le coffre, et je m’installe sur le fauteuil passager d’une voiture moderne et confortable. Nous longeons le cours d’eau en progressant dans la vallée, longeons un lac bleu vif : le paysage est magistral. Et soudain, alors que nous arrivons vers Vaujany, le stress monte. Aussi abrupt que le mur qui se dresse devant nos yeux. La montée vers Vaujany (où aura lieu l’arrivée de la course !!) est une succession d’énooormes murs sur 5 km. Même la voiture, pourtant bien entretenue, toussote dans les côtes. Les premiers repérages improvisés sont loin d’être rassurants. On peut faire confiance aux lois de la gravité et aux organisateur.trices de la course, mais il faudra en garder sous la pédale pour boucler la course.
Petite sortie à vélo le samedi matin pour une mise en confiance
Samedi matin. Rien de mieux pour passer la déception de l’élimination des Françaises en quarts de finale de la coupe du monde de football contre les Etats-Unis que d’aller rouler un peu. Pas trop, bien sûr, pour ne rien entamer des réserves nécessaires pour le lendemain, mais suffisamment pour se mettre en confiance, profiter du coin et faire tourner les jambes.
Pas un seul coup de pédale à donner pour quitter Vaujany, il suffit de se laisser filer dans les lacets. C’est au moins l’avantage. Je roule tranquillement une trentaine de kilomètres sur ce que je trouve de plus plat – ce seront les premiers kilomètres de la course de demain, où il faudra décidément accrocher un groupe dès le départ pour ne pas se fatiguer, ni perdre de temps.
Il fait déjà chaud, les montagnes nous toisent de toute part, et je croise pas mal de cyclistes. C’est agréable, mais je me force à faire demi-tour en pensant à la remontée qui m’attend.
Je croise le panneau fatidique qui annonce la bifurcation : mediofondo, 10 km de l’arrivée / Granfondo : direction l’Alpe d’Huez. À ce moment du parcours, le choix sera fatidique. Les grosses chaleurs annoncées laissent encore planer la doute sur l’option qui sera la mienne.
En tout cas, je ne résiste pas à l’envie de monter les premiers lacets jusqu’à Villard-Reculas : à la fraîche, ils se passent sans peine. Mais encore une fois, je reste raisonnable et reviens vers Vaujany. Bon. Il est déjà 11h, le soleil tape fort. Les premières rampes piquent les jambes.
Ça se fait, mais c’est loin d’être une partie de plaisir. Un cycliste apparemment bien affûté me passe doucement, et concède qu’il pensait que ce serait plus simple. Au moins, je suis rassurée sur les lois de la gravité. Le final sera clairement l’une des difficultés du parcours, mais il est possible théoriquement de le passer sans poser pied à terre. A voir quand nous aurons une centaine de kilomètres et quelques cols dans les pattes… Mais au moins, ça se fait.
Je laisse passer la grosse chaleur de l’après-midi puis prends le téléphérique qui part de Vaujany pour faire une petite randonnée. Fleurs sauvages, lacs de montagne, herbe verte, rocaille et panorama grandiose. C’est quand même magique les Alpes.
Retrait des dossards et rencontre avec une autre cycliste de la TEAM @ellesfontduvelo
Au retour, j’ai le temps de retirer mon dossard avant qu’Estelle, une membre de la TEAM @ellesfontduvelo n’arrive. Plus habituée de la course à pied et du triathlon, elle vient participer à sa première cyclosportive ! Je ne la connais pas, mais nous partageons notre logement : c’est aussi ça l’esprit de TEAM @ellesfontduvelo !
Nous sommes toutes les deux fatiguées le samedi soir, et concentrées sur l’effort qui nous attend le lendemain. Seulement, au moment de nous coucher, nous apprenons sur les réseaux sociaux les incidents liés aux fortes chaleurs qui ont eu lieu le jour même sur une cyclosportive dans l’Ariège. Des pneus éclatés, des malaises, et un décès sur la route.
Alors forcément, ce genre de nouvelles attaque le moral et nous rappelle plus que jamais l’impératif de la prudence. Je n’ai jamais couru en me mettant dans le rouge, mais il est d’autant plus hors de question de prendre des risques inconsidérés. Bien sûr que le vélo offre des sensations fortes, nous pousse à nous dépasser, à fournir des efforts dont nous ne nous pensions pas capables, à relever des défis toujours plus intenses. Mais cela nous rappelle aussi que dans certaines conditions, cela peut être dangereux.
Suite à la canicule, adaptation des horaires, principalement pour la mythique montée de l’Alpe d’Huez
L’organisation du Grand Trophée décide, au vu de ces événements, de maintenir la course malgré tout, mais annonce des mesures pour limiter les risques :
- le départ du Mediofondo est décalé d’un quart d’heure, des points d’eau ont été ajoutés le long du parcours.
- la barrière horaire au pied de l’Alpe d’Huez (km 102), annoncée à 14h sur le site, puis à 13h sur la feuille de route, est finalement décalée à 12h.
Avec un départ prévu à 7h15, ça risque d’être un peu chaud (littéralement) pour moi pour boucler les 100km et 2 500 D+ en moins de 5h tout en arrivant suffisamment fraîche pour me lancer dans l’Alpe d’Huez. C’est frustrant, ça relance les incertitudes, mais la décision de l’organisation est tellement compréhensible qu’il est simplement question de savoir comment s’adapter au mieux à ces aléas.
Dimanche. Jour de course et soleil de plomb
Km 0 – 23
Réveil ultra matinal pour rejoindre le départ au barrage du Verney. Même si je suis inscrite sur le grand parcours, je décide de rester avec Estelle dans le sas du Medio. De toute façon, le départ est donné pour tout le monde à 7h15 (finalement 7h20, détail qui s’avérera important !) et le parcours commence par une vingtaine de kilomètres de plat descendant. Ce n’est pas là que se fera la différence, alors autant rouler ensemble.
Cette première portion permet de réveiller les muscles avant les premières ascensions. La seule difficulté est d’accrocher un bon wagon pour ne pas perdre de temps et se laisser glisser sans se fatiguer, ce que nous parvenons à faire sans peine. Nous roulons dans un groupe compact, serré, qui avance bien et se relaie de manière fluide, de quoi papoter tranquillement avec quelques un.es à plus de 30 km/h sur du plat pour entretenir la bonne humeur et laisser passer l’adrénaline du départ. Nous serpentons au pied des montagnes imposantes et guettons le compteur pour savoir dans combien de temps nous entrerons dans le vif du sujet.
Km 24-38-67 : Le col de la Morte et bascule
Ca y est. Nous dévions de la longue départementale toute droite, un virage, et ça commence à monter. C’est parti pour 14 km, 6,5% de moyenne, pas mal de passages à 7 ou 8%. Sans exploser, le groupe s’étire, Estelle file loin devant, et moi je m’attache à trouver mon rythme. Un premier test pour les jambes : elles répondent présent sans pour autant déborder de légèreté, alors il faudra que je me fasse un peu violence pour me pousser. Non pas pour un quelconque classement, ça, je m’en fiche, mais seulement pour ne pas trop traîner, et puis pour l’objectif de la barrière horaire pour accéder à l’ascension de l’Alpe d’Huez.
Mais pas d’alerte. Pas de jambes lourdes. Le temps paraît juste un peu long. Aussi, l’avantage d’être arrivé en groupe serré est que nous restons proches les un.es des autres, et le chassé croisé commence. Pas de passes d’armes, pas de concurrences, seulement des relances qui se croisent et nous permettent d’échanger quelques mots.
La montée est ombragée, il fait encore bon. Heureusement, je commence à discuter avec quelques un.es. Celui-ci fait la course pour la 5ème fois d’affilée, celui-là est lancé dans le grand parcours aussi (je l’informe du changement de barrière horaire, et nous formons une alliance immédiate !). Et alors que je suis un peu dans le dur à 2 ou 3 km de la fin, une Suédoise me motive à fond en me disant simplement « You’re doing good job ! » Allez, ça donne la pêche !
_Photos 11 et 12_
Et puis surtout, les derniers kilomètres offrent quelques lacets d’où l’on peut enfin percevoir la hauteur prise, et dégage un magnifique panorama sur les Alpes alentours. Qu’est-ce que c’est beau ! Qu’est-ce que c’est dingue de s’élever si haut à simples coups de pédale, et regarder à nos pieds la route en contrebas que nous avons laissé il y a quelques minutes !!
Et puis déjà le passage de col sur un petit plateau où il y a un premier point d’eau bienvenu. Le temps de remplir les bidons et j’entame la descente sans attendre de compagnons. C’est parti pour la régalade. Filer à toute vitesse sur une route à peine sinueuse, épouser les meilleures trajectoires, relancer, sentir la puissance du développement, être plaquée contre la route dans les quelques épingles, et tout cela avec une impression de maîtrise. Et puis devant soit, une vallée toute entière qui s’étend, plus déserte et jaunie par le soleil. Même si ça coupe un peu le rythme, le moment est tellement majestueux que j’interromps la descente pour une photo – qui ne donnera rien, bien entendu.
Je reprends du temps à la Suédoise (je sais qu’elle me repassera dès que ça remontera un peu !), et nous nous encourageons encore dans l’objectif de la barrière horaire. Mais je file sans objectif de temps, juste pour le plaisir de sentir la vitesse, de se laisser griser par l’euphorie de rouler dans un endroit aussi beau. Et alors que nous entrons sur des petites routes, je trouve deux compagnons qui cherchent manifestement à remonter, et nous prenons les relais dans un rythme soutenu. Un pur kiff.
Km 67-82 : Col d’Ornon. « C’est le deuxième qui va taper »
La descente apporte un peu d’air, mais il commence à faire très chaud. Et comme nous avons changé de versants, le soleil cogne sévère. Alors forcément, le deuxième col est nettement moins difficile sur le papier : 9 km à 3% de moyenne, puis 4 km à 7%. Donc en gros, un faux plat montant pendant un bout de temps, ça reste roulant. Le problème, c’est que malgré l’appellation col, la route est coincée entre deux grosses montagnes, donc on n’a pas vraiment l’impression de s’élever. Mais surtout, la chaleur est de plomb, l’air est irrespirable. Il y a moins de densité aussi, je me retrouve à rouler un peu seule. Malgré tout, chaque fois que je croise quelqu’un, je vois que les organismes souffrent. Un cycliste engagé sur le grand parcours me dit que c’est de la folie d’y croire encore. Pour ma part, je sens que je n’ai pas de jus. Je sens que ma tête surchauffe dans ma casquette. Je veille à boire régulièrement, et à m’alimenter aussi même si je n’ai pas faim. Il fait chaud. Très chaud. Prudence.
C’est le moment des décisions stratégiques. Je fais le compte à rebours : la barrière horaire pour accéder à l’Alpe d’Huez reste jouable. Ca risque d’être très juste, mais elle est encore jouable. Est-ce pour autant vraiment une bonne idée de se lancer dans l’Alpe d’Huez ? J’ai roulé en m’économisant, et pourtant je sens bien que je suis sur la corde sur cette ascension en plein cagnard. Et puis, même si je réussis à passer la barrière horaire, je risque d’être la dernière à la passer, et donc me retrouver seule. Alors est-ce que j’assume d’être déclassée, et de monter l’Alpe d’Huez pour la beauté du geste, sans pousser jusqu’au col de la Sarenne ? Je ne sais pas très bien, même si la raison me dicterait de filer vers Vaujany.
Le temps de retourner toutes ces questions et d’envisager tous les possibles, je passe le col en attendant impatiemment le point d’eau. Néanmoins, il n’y a plus d’eau disponible, seulement des boissons sucrées. Les bénévoles nous indiquent une fontaine à deux kilomètres dans la descente, mais ça reste agaçant, et cela nous contraint à nous réarrêter plus tard.
Km 92-102- : Contre-la-montre pour arriver à la route de l’Alpe d’Huez
En tout cas, j’enclenche la descente, toujours aussi grisante. Je dévale, laisse glisser, porte mon regard au loin à la recherche de la meilleure trajectoire pour optimiser les secondes.
Déjà le temps de la grosse ligne droite qui nous ramène à Rochetaillé. La route est assez empruntée, la piste cyclable étroite et un léger vent de face se fait sentir. Je m’agace un peu (mais c’est stupide) contre cette cycliste qui accroche ma roue sans jamais prendre le relai alors que j’aimerais bien récupérer un peu. Mais les minutes défilent.
Un faux plat, une bosse bien ardue mais très courte. Un point d’eau. De toute façon, je n’ai plus rien dans mon bidon, alors arrêt type Formule 1. Il est midi. 12h01, 12h03, 12h05 au panneau. À la bifurcation, un cordon de bénévoles bloque la route avec un panneau rouge. La route est fermée pour l’Alpe d’Huez. À quelques minutes. Je repense au départ donné à 7h20, et non pas 7h15. A mes arrêts photo. Au second arrêt par manque d’approvisionnement au ravito.
Forcément, je ressens une immense frustration. Ne pas réfléchir au fait que je suis venue pour l’Alpe d’Huez. Ce n’est pas tellement ça qui compte. Bien davantage, c’est l’échec de mon objectif de temps, celui d’être là à temps, malgré le fait que la barrière a été décalée de deux heures. Que le départ a été décalé de 5 min. La route m’est fermée.
Je sais bien, en vrai, que c’est la meilleure des situations. Car même si je sais que je suis prudente, et que les événements de la veille m’ont bien refroidie, je ne suis pas sûre que j’aurais résisté à y aller si la route était ouverte. Et je sais en même temps que je l’aurais très certainement regretté. Alors bien sûr, c’est ballot de rater son objectif à 5 min, mais c’est peut être le mieux qui pouvait arriver dans le fond.
Je me pose quand même un instant pour évacuer la frustration, qui est tout de même présente – et récupérer un peu avant d’entamer la montée vers Vaujany. Elle se fera sans saveur ni objectif de temps, ni satisfaction. J’ai l’impression qu’il n’y a plus grand monde derrière et je peine à retrouver un peu de motivation.
Km 102-112 : Le mur de Vaujany et l’arrivée
Dans le plat qui longe le lac du Verney, j’accroche la roue de deux cyclistes qui passent là par hasard : ils me déposent au pied de la montée de Vaujany avant de bifurquer. Là commence la plus grosse difficulté de la journée.
Je monte en plein soleil, complètement cramée et étouffée par la chaleur ardente, essayant de retrouver un peu de force dans les pédales. Je m’arrête pour prendre de l’eau. Je n’ai plus aucun objectif que de finir. Je souffre – et manifestement, je ne suis pas la seule – mais au moins, je suis définitivement certaine que ce n’était pas le jour pour l’Alpe d’Huez. Si elle pèse sur les organismes, cette ascension aura au moins pour avantage d’évacuer toute once de regret.
Je passe donc la ligne et finis cette course sans jamais avoir forcé, en maintenant constamment mes réserves, et pourtant complètement cuite.
Sur le papier, le Mediofondo était largement à portée et m’étais lancé le défi du Grand parcours pour me dépasser. Mais les conditions étaient telles que je suis tout simplement heureuse d’en être venue à bout sans me mettre en danger, d’avoir géré la course de façon à être quasiment toujours en état de profiter du cadre, des paysages, de plaisir de rouler. Je suis heureuse aussi d’avoir retrouvé une belle ambiance dans le peloton, une solidarité qui m’avait tant manquée en Bourgogne : celle de la fin de peloton, quand chacun vient avec ses propres objectifs, sans compétition réelle si ce n’est celle envers soi et envers la montagne – qui sera toujours gagnante ; pour le plaisir du vélo, de rouler ensemble, de s’encourager, de partager des moments de grâce, de faire de belles rencontres, de s’improviser des compagnons de route. Et au passage de la ligne d’arrivée, c’est une profonde joie qui m’envahit, partagée dans les sourires échangés avec celles et ceux avec qui j’ai roulé la journée.
Je rejoins Estelle qui est déjà en train de récupérer. Elle semble ravie de sa première expérience de cyclosportive et discute avec ses compagnon.nes du jour. Nous partageons le repas d’après-course, même si la chaleur nous bloque un peu l’appétit, et nous faisons une photo de la TEAM @ellesfontduvelo du jour qui s’est élargie de manière spontanée, je distribue aussi des tatouages ELLES FONT DU VÉLO, car elles ont aussi envie d’en porter les couleurs !
Au retour, nous consultons les classements. Je suis étonnée : alors que je pensais qu’il ne restait plus grand monde derrière, je me rends compte que je ne suis pas trop mal classée finalement, chez les femmes comme en scratch. Une belle surprise. Mais surtout, Estelle apprend qu’elle est arrivée troisième de sa catégorie !! Un premier podium pour sa première participation, je suis tellement fière d’elle !
Et puis nous avons le temps de prendre une douche, d’assister à la remise des prix et de plier bagages alors que les cyclistes engagé.es sur le grand parcours continuent d’arriver. Quelle joie de croiser Helene Adler, mon amie suédoise du jour, en train de boucler le Grand parcours !!
Bilan de la course La Vaujany 2019, sans la montée de l’Alpe d’Huez
Les + :
– Le cadre, les paysages, avec le choix entre deux parcours qui restent accessibles
– L’organisation de la course et l’implication des bénévoles (merci à elleux !)
– Le parcours
– La prudence et l’adaptation aux conditions (notamment avec le reclassement systématique sur le Medioparcours en cours de route si on le souhaitait)
– L’ambiance entre les participant.es, vraiment au top
Les – :
Malheureusement, les points négatifs concernent principalement la place des femmes dans la course organisée par Grand Trophée
– Cette phrase du speaker entendue sur la ligne de départ, adressée aux participant.es : « Messieurs, c’est parti »
– Le nombre de femmes engagées
– Les visuels utilisés pour la course : difficile de trouver une seule femme sur les images mises en avant pour la course
– Le nombre réduit de catégories pour les femmes. Je vous renvoie à cet autre article de Cath Fittipaldi sur la Châtel Chablas Leman Race.
– Les ravitos qui ne sont pas réapprovisionnés : ce sont seulement les premier.es qui peuvent bénéficier du plus grand choix. C’était déjà le cas en Bourgogne ou à Saint Tropez, mais celleux qui passent plus de temps à rouler ont aussi besoin d’eau sans avoir à se réarrêter et faire la queue à la fontaine municipale !
Les statistiques de La Vaujany de Grand Trophée 2019 :
– Sur l’ensemble des parcours
Finishers : 554
Dont femmes : 48 (8,5%)
– Grand parcours :
Finishers : 272
Dont femmes : 10 (3,5%)
– Mediofondo :
Finishers : 282
Dont femmes : 38 (13,5%)
Cela fait donc très peu de femmes cyclistes dans l’ensemble. À condition que de réels efforts soient faits en direction des participantes, j’y reviendrai avec plaisir l’année prochaine, avec, peut-être, la montée de l’Alpe d’Huez !
Prochain RDV avec Grand Trophée, ce 14 septembre à la Baie de Somme avec RAPHA pour le Women’s 100! Rejoignez déjà notre TEAM @ellesfontduvelo dans le groupe FB dédié : #EFDV Picardie – Baie de Somme TEAM
La rédaction remercie Adrienne Estrada, Capitaine de TEAM @ellesfontduvelo, pour la rédaction du compte rendu de la cyclosportive La Vaujany 2019 malgré la déception de la montée de l’Alpe d’Huez!